I - L’ART ROMAN (du Xème au XIIème siècle) :
Dans le christianisme non orthodoxe, un léger tournant s’amorce à partir du Xème siècle en direction d’un certain naturalisme ; en fait, c’est plutôt un retour en arrière : avec l’art roman, on se tourne vers les modèles romains du passé antique, remarquables par leur réalisme ; les artistes cherchent par exemple à représenter le drapé souple du manteau de la Vierge ou l’esquisse d’un relief.
Néanmoins, la tendance générale reste le primat accordé à la fonction religieuse de l’art : l’artiste doit continuer à représenter l’univers céleste et divin du Christ et des figures saintes. L’usage de la couleur dorée reste prédominant. On note toujours une quasi absence de perspective spatiale. L’auréole est de rigueur sur la tête de Marie, comme sur celle du Christ et des saints. La Vierge elle-même est représentée de manière stylisée.
Dans la statuaire, on observe par exemple dans les vierges romanes d’Auvergne une grande austérité, une impassibilité des traits du visage ; la Vierge se tient assise, très droite et raide, avec, sur les genoux, son Fils qui présente une posture identique à la sienne.
II - L’ART GOTHIQUE (du XIIème au XVème siècle) :
C’est à cette époque que se situe le véritable tournant : une vraie révolution est à l’oeuvre dans la représentation de Marie et des saints, aussi bien dans la peinture (on est passé de l’icône à l’enluminure, puis à la peinture à l’huile) que dans la statuaire : le réalisme devient chez l’artiste un souci de plus en plus net.
Est d’abord abandonnée la posture rigide observée à plusieurs reprises, au profit de la ligne sinueuse, l’arabesque. Cela signifie que le souci jusque là purement religieux de l’artiste devient esthétique : les drapés des vêtements de la Vierge sont très raffinés et courbes, le corps lui-même s’assouplit ; c’est particulièrement flagrant dans le cas des statues de vierges gothiques.
De plus, le corps de Marie, comme celui de l’Enfant qu’elle tient, acquiert une consistance, un poids ; il ne flotte plus de manière éthérée dans la lumière dorée de Dieu ; il est bien assis sur le trône, il paraît plus dense, plus charnel. Par la suite, la Vierge voit varier ses postures et sa situation dans l’espace : elle peut aussi bien se trouver dans l’étable de Bethléem que dans la maison d’un particulier, debout, assise ou couchée.
Le visage subit également une modification importante : les traits s’individualisent et deviennent plus expressifs. Une émotion bien humaine apparaît, qu’elle soit tendre ou douloureuse. Quant à l’auréole, elle devient plus mince, parfois remplacée par de fins rayons.
Derrière Marie, on voit apparaître des décors de plus en plus riches, souvent architecturaux : les édifices gothiques de l’époque et leurs croisées d’ogive sont représentées avec force détails. Le fond doré disparaît pour laisser se dessiner un début de perspective spatiale.
Les thèmes changent aussi : à la représentation d’une reine sur son trône s’est substituée celle de la Nativité, florissante à l’époque. Marie est désormais une femme bien humaine, qui vient d’accoucher.
Les occupations de Marie ont également changé : elle n’est plus seulement là pour glorifier la divinité de son Fils ; c’est aussi et avant tout une mère, qui allaite, fait parfois la toilette de son enfant, activité banale et profane de la vie courante de toute mère. On la représente volontiers couchée, dans sa position de femme qui vient d’accoucher. La solennité jusque là de rigueur s’estompe peu à peu.
Autre détail d’importance : l’artiste commence à signer ses oeuvres ; c’est dire qu’il n’est plus exclusivement au service de l’Eglise mais qu’il commence à pouvoir revendiquer ses propres aspirations esthétiques. L’un des plus grands artistes gothiques est le très célèbre Giotto, peintre italien du XIVème siècle. Avec lui, la Vierge Marie devient nettement plus massive, plus charnelle.
Le XVème voit culminer toute cette tendance, aussi bien en Italie qu’en Flandre : les peintres placent désormais la Vierge dans un paysage minutieusement dessiné ; c’est l’âge d’or des peintres flamands (Van Eyck, Van den Weyden, Robert Campin…) ! La perspective nous vient des peintres italiens qui la maîtrisent d’ailleurs avant le XVème siècle ; les flamands tâtonnent davantage avant de la dompter grâce notamment à Petrus Christus. L’auréole disparaît : Marie se présente dorénavant presque comme une femme ordinaire ! L’appartenance à l’époque médiévale demeure toutefois par la présence de nombreux symboles : par exemple, dans la Nativité de Van der Goes, les épis de blé au premier plan symbolisent l’eucharistie.